Réédition de l’ouvrage de 1894 - Imprimerie CHASTRUSSE et Cie, Brive, 1964
Date : 27/03/2023
Canton de Meymac, arrondissement d’Ussel, ancien archiprêtré de Gimel. – Superficie : 2 540 hectares ; population : 968 habitants ; distance du chef-lieu cantonal : 16 kilomètres.
L’église de cette paroisse, qu’il ne faut pas confondre avec la simple chapelle de Darnet, dans le Haut-Limousin, propriété de l’Artige, a pour patron actuel saint Maurice, après avoir eu autrefois saint Martin.
La cure en était primitivement indépendante. Mais on a dit ailleurs (article COMBRESSOL) comment l’abbaye de Bonnesaigne, réduite par les guerres à la pauvreté, avait en 1345 obtenu du pape Clément VI l’union de cette cure : le souverain pontife avait seulement réservé à l’évêque de Limoges la fixation de la portion congrue du curé. Nadaud toutefois constate que ce fut cet évêque qui nomma au bénéfice en 1471, 1481 et 1483.
Je tiens de M. Bourneix, curé de Nonars et enfant de l’endroit, dont il réserve au public la monographie, une liste d’anciens titulaires, précieux complément de la mienne.
Voici l’ensemble de la succession : 1380, Pierre Blancher, nommé encore en 1415, qui fit faire une nouvelle porte ou une nouvelle serrure à l’église, ouverte sans doute sur le cimetière. Cette serrure porte pour inscription, en minuscules gothiques :
✠ M. P. BLANCHIER. REQUIESQUANT IN PACE. AMEN.
1436, Jean Blancher ; 1444, Bertrand de Bonnefond ; 1482, François Murat de Beaupoil ; 1538, Jacques Montagnac ; 1554, Etienne de la Massonie ; 1585, Antoine Sonhet ; 1594, Martial Versinas ; 1616, Antoine Chanal ; 1664, Jean Chanal, neveu ; 1708, François Masgimel, qui fut aussi vicaire de la vicairie des Sept, dans l’église de Moustier-Ventadour, et qui restait tel encore en 1749 et 1752, alors qu’il n’avait plus sa cure ; on le disait également vicaire de la Bessière (1741), ce qui sans doute revenait au même, car la Bessière ou Bussière était une des sept vicairies ; 1746, Jean Pigeyrol, qui eut des difficultés relativement à une rente obituaire fondée dans son église par les ascendants de messire Guillaume Dufaure de la Sauvezie, écuyer, seigneur de Meilhac.
Une transaction de 1775 entre Simon Vergniaud, économe du séminaire de Tulle, et Louise de Meilhac du Temple, paraît les avoir terminées. M. Pigeyrol eut aussi des difficultés avec le marquis de Soudeilles et les abbesses de Bonnesaigne ; il mourut visiteur en 1785
1785, Martin Thomas, qui se fit un nom peu après par sa nomination aux Etats généraux de 1789, comme représentant du clergé bas-limousin. Il était alors devenu curé congruiste de Meymac ; prêtre fidèle, il fut après la Révolution doyen de Lapleau et de Lubersac, succursaliste de Saint-Hilaire-la-Treille (Haute-Vienne), enfin chanoine titulaire et official de Limoges ; 1786, Antoine Lauly, confesseur de la foi, émigré en Suisse, rentré dans sa paroisse et mort dans une cave pendant le Directoire ; 1806, Jean-Joseph de Meynard ; 1809, Joseph Talin ; 1819, Joseph Soullier ; 1834, Jean Delpeuch ; 1835, Rémi Charlat, déjà signalé à Clergoux ; 1835, Jean Chambon ; 1846, Jean-Baptiste Chazal ; 1883, Félix Bouladoux.
Indépendamment de sa cure, Darnets avait diverses vicairies : une d’abord, ou plutôt quatre en une, à l’autel de saint Jean de son église paroissiale : elles avaient été fondées par noble Louis de Soudeilles et Renée Paulmarde, sa femme (XVIe siècle) ; les descendants, seigneurs du Lieuteret, dans la paroisse, en avaient la nomination ; - l’autre au château de Fontmartin, toujours dans la paroisse, fondée le 5 juin 1654, mais augmentée par messire Charles Geoffre de Chabrignac, seigneur de Traversac et de Fontmartin, co-seigneur de Sérilhac et de Ménoire, le 28 mai 1660, à Fontmartin ; elle était dédiée à saint Joseph, tandis que la chapelle du château l’était à saint Luc. Les Chabrignac y nommèrent tant qu’ils possédèrent Fontmartin ; après eux le droit passa aux Lavaur, comtes de Sainte-Fortunade et seigneurs de ce château, comme de celui du Cheyrol, à Auriac.
Bien que n’ayant pas sa vicairie à demeure, le Lieuteret n’en possédait pas moins, lui aussi, une chapelle, qui est encore fort bien entretenue. A la clé de voûte de ses deux nervures prismatiques en sautoir se trouve l’écu des Soudeilles, entrés comme gendres en 1520. C’est ici un échiquier d’or et d’azur en partition avec d’autres armes : D’azur au croissant renversé d’or, coupé de gueules à une branche d’or. J’ai noté une peinture des Cybille (voir plus loin), ainsi qu’un reliquaire-monstrance du XVe siècle, armorié d’un lion de gueules sur champ d’argent ; dans le château, on verra une Sainte Anne de Noël Laudin, diverses porcelaines et des toiles flamandes de certaine valeur.
La famille distinguée qui possède présentement ce château et dont le chef, M. Raymond de Vaublanc, est l’homme dévoué aux bonnes œuvres, appartient à la province de Bourgogne et a donné à la Restauration un ministre auteur de Mémoires. Elle est venue là par une alliance avec Marie-Clémentine-Charlotte de Meynard de Maumont, dont la propre famille avait succédé aux Soudeilles vers 1785. Cette dernière maison, issue d’une paroisse voisine, seigneuresse de celle de Saint-Yrieix, châtelaine en plusieurs autres, disparue avec un titre de marquis, avait occupé une haute situation dans les deux derniers siècles. Louis-Paule de Soudeilles, mort à Nevers en 1778, était lieutenant du roi en la province du Limousin et avait obtenu de porter, quoique marié, la croix de l’ordre de Malte, dont un des ses fils était commandeur.
Avant lui, Louis-Marie de Soudeilles, qualifié chevalier, marquis du lieu, du Lieuteret, la Ganne, Foissac, Saint-Yrieix, Roussillon et le Bazaneix, était aussi lieutenant-général en 1693 ; un livre lui fut dédié par un médecin d’Ussel en 1701. Plus heureuse, sa tante Henriette de Soudeilles, visitandine de Moulins, avait été elle-même l’objet d’un autre livre : ses sœurs en religion le lui consacrèrent pour transmettre à la postérité le souvenir très édifiant de ses vertus. Morte à 84 ans en 1714, elle était entrée dans le cloître de Moulins en 1646, à l’époque où s’y était réfugiée la malheureuse veuve du maréchal de Montmorency, décapité à Toulouse 14 années auparavant. Son père avait été le capitaine des gardes et le confident attentionné du duc. Quand celui-ci se lança dans la voie de la révolte, Annet de Soudeilles fit tout pour lui faire comprendre le péril et la culpabilité de son entreprise ; envoyé par lui à la cour, il fut chargé par Richelieu de renouveler instamment ses prières, qui demeurèrent inutiles, comme on le sait trop bien. Après l’exécution de son maître, le fidèle confident accompagna son corps, qui fut dirigé sur Moulins, où l’abrite un mausolée somptueux, et le fit passer par le Lieuteret où il l’honora de tout son pouvoir. En reconnaissance de toute cette conduite, la veuve du connétable fit refaire, dit-on, le château, dont les jardins furent plus tard dessinés par la Quintinie. – Ce seigneur de Soudeilles était sénéchal de Ventadour et son père Gabriel avait commandé dans Brive en 1575 pour le comte du temps, gouverneur du Limousin pendant les guerres religieuses.
Fontmartin a laissé son nom à une famille représentée encore parmi nous par un prêtre du diocèse, M. Claude de Fontmartin. Elle avait le fief dès la seconde moitié du XVIe siècle. Martial Chassaing, sieur de Fontmartin et frère d’un aumônier du roi chanoine d’Agen, était en 1586 élu pour le roi au siège de Tulle. Lamaurie, qui détenait alors cette ville, prise l’année précédente par le vicomte de Turenne dont il était le lieutenant, voulut le contraindre avec ses collègues de lever au profit du vainqueur l’impôt royal ; mais Chassaing s’y refusa et prit la fuite. Assiégé dans son château de Fontmartin par un détachement de 300 hommes, il s’y défendit, assure-t-on, énergiquement « et força les assaillants à se retirer ».
Antoine, son frère ou l’un de ses enfants, avocat à Bordeaux sous la date de 1602, devint, l’année suivante, lieutenant-général du duché de Ventadour et plus tard maître des requêtes de Navarre. Ecuyer, sieur de la Mauriange, paroisse de Veyrières, il est auteur de la branche à laquelle appartient M. le curé de Nespouls.
Une autre branche, venue jusqu’à nos jours, portait le nom de Lespinasse, château de la Tourette : elle était représentée naguère par M. de Fontmartin de Lespinasse, capitaine de vaisseau en retraite, ancien directeur du port de Bordeaux et auteur d’une brochure que je possède dans ma collection. Cet officier de marine n’est pas né en Limousin : c’est probablement sa famille qui vit encore à Nantes. On a pu voir quelques lignes plus haut que ses ancêtres de Fontmartin même furent remplacés de bonne heure par leurs alliés, les Chabrignac, remplacés à leur tour par les Lavaur. Aucune de ces maisons n’occupe aujourd’hui le château.
L’extérieur de l’église de Darnets date tout entier de la période romane (XIIe siècle), mais ses voûtes intérieures sont toutes du style ogival tertiaire. On y voit semés de nombreux écussons, presque partout aux armes de Soudeilles. Nulle part cependant ces armes ne sont seules : la partition y mêle, à dextre ou à senestre, tantôt une croix, tantôt trois poissons contrepassants, tantôt un sautoir cantonné de molettes. Les poissons sont ce qui revient le plus souvent. Dans la chapelle du nord, ils entrent eux-mêmes en partition avec trois mains apaumées. A la forme des écussons, au style d’une clef et aux détails d’une fenêtre dans l’une des deux chapelles, on reconnaît le XVIe siècle.
A noter un bas-relief en bois encadré représentant l’Annonciation et au dehors l’arcature d’un enfeu en style du XIIIe siècle.
On lit sous la signature de l’abbé Texier, au Bulletin du comité des Arts et monuments, année 1840, n° 9, p. 169 :
« L’église de Darnets (arrondissement d’Ussel), où le style roman et le style ogival sont mêlés, a été la victime du plus affreux badigeonnage. Elle est partagée, comme un immense damier, en carreaux bleus, verts, jaunes, gris, rouges, noirs, de toutes les couleurs imaginables. Sur quelques boiseries d’une chapelle, se font remarquer de belles peintures à fond d’or : elles sont l’œuvre des Sybilles. – Une croix reliquaire, à filigranes, du moyen-âge, est décorée d’une tête en relief de petite dimension, qui tous les caractères de l’époque mérovingienne. »
Cette croix, du XIIIe siècle et à double traverse, est en argent. Au dessus du second croisillon, dans un chaton ovale, l’orfèvre a serti un verre recouvrant la relique ; une lamelle en écriture cursive du XIIIe siècle porte : [Sanc]ti Marcialis.
On peut être convaincu que Darnets conservera sa croix et sa relique ; mais pour le badigeon de ses murailles, il y a longtemps qu’on l’a fait disparaître. Quant à l’œuvre des Sybilles (lisez des Cybille), je ne me rappelle pas l’avoir vue. Elle me donne l’occasion de redire que ces deux peintres frères, de la fin du XVIIe siècle, appartenaient à la paroisse de Darnets. L’article CHABRIGNAC les a signalés déjà pour un tableau de maître-autel : l’Annonciation qui est d’Antoine, de même que le retable d’Orgnac, commandé le 21 juin 1678 : nous les retrouverons à Sainte-Eulalie d’Uzerche pour un autre tableau, de maître-autel aussi, qui est de Michel (1691) : c’est le Martyre de la Sainte. Le collège catholique d’Ussel possède d’eux une troisième production dont je n’ai pas présentement la note sous la main. A Beaulieu enfin, ils ont signé dans le croisillon sud de l’ancienne abbatiale une mauvaise toile représentant les deux patrons de la ville. Ce n’étaient pas sans doute des artistes que ces hommes, au sens supérieur du mot ; mais dans un temps où tous les vieux souvenirs reviennent à la surface, celui de ces bons ouvriers de l’église méritait d’autant mieux une insertion que l’abbé Texier a pu louer ici comme belle l’œuvre de leur patriotisme et de leur foi dans leur église de Darnets.
Villages ou hameaux de cette paroisse : la Bardèche, la Barrière, la Bessade, la Bourre, le Bourneix, la Chanal, maison de plaisance à M. Raymond de Vaublanc, jadis seigneurie de Maxime de Meynard de Maumont ; la Chaud, près duquel débris de l’ancien petit castel des Horteix ; Chez Breton, Chez Calet, Chez Nardou, Chez le Prince, Cornecul, la Croix de la Mission, Crespel, Espagne, Ferrière, Fontmartin, dont le château appartient aujourd’hui à Mme Maisonneuve-Lacoste, la Forêt, village voisin en effet d’une forêt à cheval sur les trois paroisses de Darnets, de Maussac et de Soudeilles ; Fouilloux, la Gaye, Genestine, mentionné dans la bulle de Bonnesaigne en 1165 ; le Lieuteret, Mainchamp, Maleyre, le Mas, Montusclat qui avait jadis donné son nom (de Monteusto) à la forêt, reculée plus au nord, par incendie ou par culture, dont on vient de parler. Cette forêt avait elle-même donné sa signification distinctive à une celle grand-montaine de Bonneval, village situé à la lisière du nord-ouest, mais dans la paroisse de Soudeilles. Malgré la variante abréviative de son nom, la Forêt, la Forêt de Montusclat, Montusclat, je ne parlerai pour Darnets de cette celle, du nom officiel de Bonneval et que tous les auteurs disent exclusivement près de Soudeilles, qu’à la condition de la bien reconnaître dans la paroisse de Darnets. « Ebles de Ventadour, dit Pardoux de la Garde, fonda la maison de Bonneval, dans la forêt de Montusclat » ; le Moulin du Lieuteret, le Peuch, les Peyrières, ancienne sieurie d’un cadet de Meynard ; les Rebières, près desquelles on a trouvé plusieurs urnes cinéraires des temps gallo-romains ; les Rousseilles, Sainte-Valérie, le Sirieix, la Trappe, près d’un étang ; Veuillac, dont Bernard Chassaing, marié à une Comte de Bessac, se qualifiait sieur en 1632 ; et la Veyssière, connue depuis 1099.
Un lieu appelé le Châtelet, sur les bords de la Luzège, aurait encore fossés et motte ou mamelon féodal. Serait-ce l’ancien fief d’une famille du Chapoulier existant au XVe siècle et signalée pour la paroisse par Nadaud (Nobil. 1432) ?
ADDITIONS ET CORRECTIONS
Autres curés écrits : 1580, François Verdier, qui résigne, et Me Thomas Dupuy, de Moussac, qui est pourvu et prend possession. Les trois poissons des écussons de l’église (argent sur azur) tiennent à l’alliance en 1486 de Louise de Malengue de Lespinasse, héritière plus tard du château de ce nom, paroisse de Latourette, avec Antoine de Soudeilles, dont le petit-fils hérita lui-même du Lieuteret ; ce qui rattache ces armes au XVIe siècle et fortifie les indications du style de l’église.