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Recherche > Corrèze (19) > Soudeilles > Extraits du Dictionnaire Historique et Archéologique des Paroisses du diocèse de Tulle de l'Abbé J.B. POULBRIÈRE (tome 3)

Extraits du Dictionnaire Historique et Archéologique des Paroisses du diocèse de Tulle de l'Abbé J.B. POULBRIÈRE (tome 3)

Réédition de l’ouvrage de 1894 - Imprimerie CHASTRUSSE et Cie, Brive, 1964

Date : 30/03/2023

 

Canton de Meymac, arrondissement d’Ussel, ancien archiprêtré de Gimel.

Superficie : 2 038 hectares ; population : 654 habitants ; distance du chef-lieu cantonal : 14 kilomètres.

Beaucoup plus rapproché d’Egletons que de Meymac, Soudeilles domine du haut d’un tertre la voie ferrée de Tulle à Ussel ou de Bordeaux à Lyon. A ses pieds glissent dans les prairies les eaux limpides de la Basse-Luzège, dite de Davignac. De sa halte ou station, l’œil embrasse sans peine tout ce qui compose son très modeste bourg ; église, presbytère, petite douzaine de maisons. Quant au château dont les tours rehaussaient autrefois cet ensemble, il y a quarante ans environ que la trace en a complètement disparu : le feu en avait fait une ruine depuis le milieu du XVIIe siècle.

 

Soudeilles a pour patron principal Saint Martin et pour patron secondaire Saint Blaise. C’était autrefois une cure séculière, dont l’évêque de Limoges faisait seul les nominations. Je puis en aligner bon nombre de titulaires, grâce au concours de l’un d’entre eux : vers le XIIe siècle, Gérald dit prêtre de Sodellas, probablement curé ; en 1300 [Bernard ?] de Soudeilles ; 1312, Pierre du Puy ; 1343, Pierre Vialette ; 1415, Jean de Besse ; 1426, Guillaume de la Massonie ; 1436, Etienne Guérin ; 1497, Etienne de Robbert ; 1540, Pierre Chanal ; 1557, Gilbert de Soudeilles ; 1566, Jean de Soudeilles ; 1592, François Besse ; 1606, Elie des Hommeaux ; 1615, Jean du Theil ; 1638, Jacques Remédie ; 1672, N. Servientis ; 1680, Mathieu du Genesty ; 1682, Pierre Bouilhac ;1695, Jean-Pierre Terriou ; 1724, N. Lavaud ; 1728, François de Boussac du Vert ; 1730, N. Chanut ; 1737, Jean-Chauzeix de Laprade ; 1775, François Freyssinaud, dit ancien curé en 1782 ; Pierre Chazaloux, nommé à cette date : il fut vicaire de la vicairie Saint-Gilles, paroisse de la Chapelle-Spinasse ; 1803, Léonard Mas, confesseur de la foi pendant les mauvais jours ; 1826, Jean Bournel ; 1827, Pierre Cheylard ; 1828, Jean-Baptiste Bitarelle ; 1863, Louis-Martin Pascal ; 1839, Léonard Forestier ; 1851, Clément Boyer ; 1872, Thomas Bourneix, auquel je faisais allusion tout à l’heure et qui n’a pas moins dans ses cartons la monographie de cette paroisse que celle des autres dont il a été le pasteur ; 1877, François Ponty ; 1891, Jean Fortunade ; 1898, Antoine Monange.

Les curés de Soudeilles, justiciers en partie de l’endroit, en étaient aussi les principaux décimateurs, et leur revenu, au dernier siècle, atteignaient environ 1 100 livres : Clément VI, leur compatriote et voisin de berceau, le leur avait un peu diminué l’an 1343, en faveur de l’abbaye de filles de Bonnesaigne, maltraitée par les guerres.

On lit sur la porte de la maison habitée par ces prêtres : 1657. SOLI DEO GLORIA. L’église qu’ils desservent fut en 1880, sous ma plume, l’objet d’une petite note descriptive que M. René Fage me fit l’honneur d’insérer dans son 2ème volume d’Excursions limousines : De Tulle à Ussel et à Eygurande en chemin de fer. Voici cette note, pour l’intérêt qu’elle peut avoir ; non que l’Eglise de Soudeilles, à la prendre en elle-même ou tout au moins d’ensemble, soit une église remarquable, mais parce qu’elle possède un tombeau curieux dont je rends compte aussi, et d’autres objets artistiques qui l’ont signalée à l’attention du monde savant.

L’église de Soudeilles, disais-je donc à M. René Fage, est une église romane, présentant surtout ce caractère dans son sanctuaire et dans son choeur. Le sanctuaire, en hémicycle, est orné de trois arcades cintrées, retombant sur des colonnettes dont les chapiteaux ne sont pas sans grâce. Les deux arcs, qui limitent le chœur, offrent une légère brisure. Le premier, du côté de la nef, repose sur deux demi-colonnes, dont les chapiteaux représentent au midi deux centaures et au nord l’archange saint Michel, enfonçant une pique dans la gueule du dragon infernal. L’archange est armé du bouclier en amande, ou en ellipse aiguë par le bas, qui caractérise le XIIe siècle. Sur le même chapiteau se voit un autre ange qui pourrait être encore saint Michel dans une attitude différente. Devant cet arc et ses demi-colonnes, sont deux colonnes entières, engagées dans les angles, qui supportent la voûte. Celle du sanctuaire repose sur des appuis du même genre. Quant à la nef, elle n’a pour supports à ses corniches que des pilastres sans chapiteaux.

Les ouvertures sont en très petit nombre, exigües et généralement cintrées ; le cintre de celle du font du chevet est accompagné à l’extérieur d’une cimaise en omégaOn a refait dans le style du passé le clocher à pignon aigu qui s’élève à l’ouest, avec une porte à voussures conservée d’autrefois et deux encastrations gothiques qui ne manquent pas d’intérêt. La première est une vierge, les pieds sur un dragon lui servant de console, et tenant dans ses bras l’Enfant-Dieu dont la tête est coupée. La seconde est une image voilée, que l’on dirait de femme, mais qui porte un livre et dont la console est décodée d’un aigle ; ne serait-ce pas saint Jean l’Evangéliste ?

Sur le flanc méridional de l’église, dans la première travée, s’ouvre par un arc cintré, pratiqué sans doute ou tout au moins élargi après coup, une chapelle ogivale dont on avait fermé la porte, qui donnait comme celle de l’église du côté du château ; on en avait fermé la fenêtre, qui dominait l’autel, pour en faire ou refaire une nouvelle dans le mur du midi : tout cela est rouvert depuis 1873. La voûte, à nervures toriques en simple diagonale, avec une clef circulaire chargée d’un Agnus Dei, repose sur deux petits faisceaux de trois colonnettes, à chapiteaux décorés de feuillages.

Cette chapelle, surajoutée à l’église et appartenant visiblement au château, ne se recommande pas seulement par un groupe de Notre-Dame de Pitié, supérieur en dimensions et en mérite à la plupart des œuvres de ce genre, offrant même cette particularité qu’on y voit en adoration, au bas, le patron de l’église, saint Martin de Tours ; elle présente aussi un tombeau sculpté, dont la rencontre en cette église de campagne n’est pas la moins piquante des découvertes du touriste. 

Ce tombeau a été pratiqué dans le mur du midi, sous une arcade d’une ogive très pure, dont les moulures reposent sur des colonnettes ou des consoles reliées entre elles, à la hauteur des chapiteaux, par des frises de feuilles appliquées, de même nature que les feuilles des chapiteaux eux-mêmes. A gauche du spectateur, du côté de l’autel, est une niche de style absolument pareil, couvrant une piscine à cuvettes quadrilobées. Le tout trahit le XIVe siècle (peut-être même le XIIIe).

Sur le tombeau occupant tout le bas de l’arcade, est couché un personnage en cotte, tête nue, appuyé sur un coussin, entre deux anges qui tiennent des encensoirs à chaînes courtes et ouvertures tréflées. Les yeux sont grands ouverts. La cotte, passablement courte, est surmontée du manteau que retient une chaînette formant collier. Une ceinture de cuir, bouclée et annelée, laisse pendre sur le côté gauche une aumônière. Les mains sont jointes sur la poitrine. Aux pieds est un dragon. De chaque côté des pieds, correspondant aux anges de la tête, sont deux moines trapus [1], assis, lisant sur un prie-Dieu, dont il faut remarquer l’ornementation : une arcature ogivale géminée, surmontée d’un oculus et s’inscrivant avec lui dans une arcade ogivale géminée, surmontée d’un oculus et s’inscrivant avec lui dans une arcade ogivale plus grande, qu’accostent de petits trèfles dans les angles supérieurs. Cette intéressante sculpture, toute sur calcaire, est surmontée, dans les parois de l’arcade, de deux groupes en haut relief. Celui qui domine la tête du défunt est un calvaire. Jésus-Christ en croix, avec ses jambes croisées et ses bras en ligne horizontale, est entre sa mère qui porte une couronne, et l’apôtre saint Jean, qui porte son livre. Détail curieux, le Christ n’est point nimbé et les deux figures ont un nimbe crucifère. Au-dessus des pieds, saint Martin à cheval partage son manteau avec un pauvre ; une personne, qui doit être la fondatrice de cette chapelle, à genoux devant lui, présente un simulacre d’oratoire, dont le pignon d’entrée nous offre, au-dessus de la porte, une arcade assez caractéristique.

J’ai dit l’époque de ce tombeau, d’après les données de l’archéologie ; je ne connais aucun document sûr qui puisse en préciser la date, ni nous apprendre de quel « gisant » il recèle le corps.

Les uns veulent que ce gisant soit un personnage mâle (abbé Texier), les autres que ce soit une femme. La tête autoriserait principalement cette supposition. Une bourgeoise, alors !

attendu le peu de longueur de la cotte et l’absence assez frappante de toute trace d’écu, même dans la chapelle.

A remarquer pour son tombeau, l’église de Soudeilles l’est aussi, disais-je, pour ses objets d’orfèvrerie limousine datant du moyen-âge. Elle possédait autrefois un encensoir émaillé qu’on a malheureusement vendu ; elle possède encore une navette de cuivre également émaillée, qu’on était sur le point de vendre à un Anglais, 400 fr., lorsque l’autorité diocésaine, avertie, s’opposa à la vente. Cette navette, du XIIIe siècle, déjà décrite et gravée par M. Rupin, par Mr. Molinier, vient d’être encore le sujet d’une étude archéologique de Mgr Barbier de Montault dans le Bulletin de la Société de Tulle, t. XIX, p. 389. C’est une des raretés archéologiques de France, comme l’eût été l’encensoir et si on l’eût conservé ; œuvre cependant d’exécution vulgaire et, qui n’a pas, malgré son intérêt, la haute attraction du buste-reliquaire de saint Martin, l’un des objets les plus précieux et les plus rares aussi par certaine particularité qu’ait su garder notre diocèse.

La partie inférieure de cet objet, ou buste proprement dit, n’en est que du XVIe siècle et tranche avec la partie supérieure ou la tête, soit pour la valeur matérielle, soit surtout pour la valeur artistique. Elle n’est qu’en cuivre fondu, coulé, doré, ciselé et retouché au burin ; mais la tête et la mitre (du XIVe siècle) sont exécutées en lames d’argent doré, laminées par le martelage et repoussées en raison de leur propriété malléable. A la mitre principalement s’est déployé le talent de l’artiste : galons, bandelettes et médaillons y sont recouverts d’émaux translucides, qui teignent de leur vive et changeante nuance des ciselures métalliques et leur communiquent, selon qu’elles sont plus ou moins creuses, un modelé coloré plus ou moins accentué, produisant des effets de peinture du plus riche effet [2]

Ce sont ces émaux translucides qui font par-dessus tout le prix, l’originalité du buste de Soudeilles : je me souviens encore de l’impression que j’en reçus il y a vingt-cinq ans. Les plaques qui les portent se composent de quatre feuilles inscrites dans un cercle rouge et se détachant d’un fond vert, relevé de fleurons. Chacune de ces quatre feuilles encadre un oiseau finement ciselé et tous ces oiseaux ont des attitudes différentes.

D’azur est le fond sur lequel ils apparaissent, de diverses couleurs l’émail qui recouvre leurs ailes et leurs corps : rose, pourpre, lilas, jaune et vert clair. C’est, avec le métal, réservé, ciselé et doré, une combinaison des plus heureuses, dont la transparence ainsi que les reflets doublent encore la grâce et la délicatesse. « L’art de l’émailleur et celui de l’orfèvre, a dit ici l’abbé Texier, ne s’unirent jamais avec plus de bonheur. Et s’il s’agissait de vendre un tel buste dix-huit cents francs !

Le même abbé Texier signale en son Dict. d’Orfèvrerie, pour l’église de Soudeilles (col. 1261) un reliquaire orné de gravures et de cabochons, du XIIIe siècle. Je ne l’y ai point vu et pour cause, à ce que l’on m’apprend. C’est lui qui l’acheta au conseil de fabrique (délibération du 2 octobre 1840) avec une croix qu’il a décrite p. 173 de son histoire des Emailleurs et argentiers de Limoges. Ce qui reste ainsi à Soudeilles, après la navette et le buste, est une croix processionnelle en cuivre gravé, terminée à ses extrémités par des fleurons et sur la surface de laquelle courant des rinceaux ; elle a 68 centimètres de hauteur ; la date en est le XIVe siècle.

Pour ne pas quitter sans remplir un devoir la sacristie renfermant ces objets, signalons-y les belles archives qu’a su y rétablir M. l’abbé Bourneix. L’exemple n’est pas si fréquent qu’on ne doive le noter au passage quant au mérite de la recherche partout où l’on a fait du ministère, on ajoute celui de la monographie (voir la Semaine religieuse du 19 mars 1898, p. 188).

 

Soudeilles a un village du nom de l’Hôpital se rattachant, comme beaucoup d’autres de ce vocable, à une possession de l’ordre de Malte ou de Saint-Jean de Jérusalem. C’était, de fait, un membre de la commanderie de Bellechassagne. Il consistait en quelques dîmes sur l’endroit et quelques rentes sur cinq ou six villages des environs, dont un d’une paroisse voisine, celle de Davignac. En 1617, il valait au commandeur 75 livres, - moitié moins que le plus faible de ses autres membres.

 

Bonneval, sur la rive gauche de la Basse-Luzège et à la lisière nord-ouest d’une vaste forêt des Ventadour qui s’étend à la fois sur Soudeilles et sur Darnets, fut autrefois une celle de l’ordre limousin de Grandmont. On a souvent confondu cette maison avec celle de Bonneval de Serre, dans la paroisse de Sussac (Haute-Vienne). La nôtre avait pour nom distinctif ou la Forêt, ou la Forêt de Montusclat, ou par abréviation Montusclat même, village de Darnets, qui avait donné son appellation à une partie aujourd’hui défrichée de la forêt des célèbres vicomtes (Bona Vallis de Foresta, de Monteusto, de Foresta de Monteusto). Pardoux de la Garde, religieux Grandmontain qui a rédigé les Antiquités de son ordre, lui assigne pour date de fondation 1221. L’an 1221, dit-il, messire Eble de Ventadour (Eble V), vicomte, du consentement de dame Marie sa femme, vicomtesse, et de leurs enfants (en ce cas c’était plutôt Marguerite de Turenne), prit l’habit de Grandmont. Il fonda la maison de Bonneval dans la forêt de Montusclat. Mais d’abord cette date, adoptée par Justel, n’est pas admise par l’auteur des Annales (Bonaventure de Saint-Amable) qui se fonde pour donner celle de 1201 sur « le Chroniqueur de Grandmont, plus croyable en cela comme parlant selon les titres. » Puis la prise d’habit n’implique en rien la fondation. Qu’on lise dans les susdites Annales (p. 529) l’acte qui la précéda, on n’y verra, soit pour le vicomte se donnant à l’ordre, soit pour sa femme Marguerite, soit pour ses enfants Raymond et Eble, que l’engagement d’indemniser l’ordre de tous les dommages que pourrait éventuellement lui causer cette entrée en religion, sous obligation des personnes et des biens tout entiers, non moins que sous cautions nombreuses et valables : telles, par exemple, que celles de Raymond de Turenne. Il est vrai qu’antérieurement à cet acte et sous la date d’avril la même année, le vicomte avait fait un don, soit de forêt, soit de rentes sur Davignac et sur Soudeilles ; mais dans ce don lui-même rien non plus n’implique la fondation. Comme date de celle-ci le Pouillé d’Argentré et le Nobiliaire de Nadaud (continuation) présentent l’année 1157. Toujours est-il, devrons-nous dire avec M. Guibert, que « cette fondation remonte certainement au XIIe siècle ; car une charte d’Ebles, du 15 mai 1206, qui constate plusieurs donations ou reconnaissances consenties par Guillaume Vigier et Gouffier, damoiseaux, frères, par l’épouse de Guillaume, par Hugues Jude (Judicis) seigneur de Soudeilles, et autres, à la maison et aux frères de Bonneval « domui et fratribus Bonoe-Vallis Grandimontis » (Archives de la Haute-Vienne, 3.931) rappelle des libéralités faites au même établissement par les autres des comparants.

En 1295, ajoute M. Guibert, cette maison était occupée par quatre religieux, et placée dans la circonscription du visiteur d’Auvergne, elle payait 60 sols de pension à Grandmont. Elle fut annexée au chef d’ordre en 1317, par bulle de Jean XXII ; mais au XVIe siècle, un arrêt du Grand Conseil reconnut que par l’effet de nouvelles bulles, le monastère de Montusclat avait été distrait de fait et de droit de l’abbaye chef-d’ordre. Il y avait eu en effet des provisions données par le Saint-Siège.

 

Laissons-là ce qui put s’ensuivre de luttes ou de difficultés et disons seulement qu’à la suppression de l’ordre par l’Etat, le chiffre affecté à Bonneval pour la liquidation des rentes à lui dues dans le ressort de Tulle, fut de 3 435 livres (15 décembre 1781).

Prieurs connus de Bonneval : 1435, frère Jean DESTENERIE ; 1489, frère Jean PACHIN ; 1515, Pierre DE GUITARD, mis en possession sur provisions de Rome et retrouvé en 1522, comme témoin ; 1529, autre Pierre DE GUITARD sans doute, pourvu par Clément VII dans le mois de septembre et retrouvé en 1540 avec titre de commandataire ; 1610, frère François FAUTAL, que me communique avec quelques autres M. l’abbé Bourneix ; 1637, Jean JARRIGE, religieux aussi, lequel, malgré les provisions de commende signalées ci-dessus, revendiqua pour sa personne au chapitre général grandmontain tous les droits conférés par les statuts aux supérieurs des maisons conventuelles ; mais le chapitre ne voulut admettre qu’une partie de ses prétentions ; 1674 (prise de possession), Gabriel PAGIS, religieux toujours et syndic de l’abbaye même de Grandmont ; 1706, Julien CHENAL ; 1713, Antoine ANTIGNAC ; 1722, dom Pierre ANTIGNAC ; 1734, dom Martin NICOLODYE, qui paraît avoir repris le titre en 1749, alors que N. DUMYRAT l’aurait eu en 1735 et Jean JARRIGE, deuxième du nom, en 1746 ; 1753, dom Pierre PARFAIT ; 1768 au plus tard, dom Louis PRADEAUD, qui résidait alors au Châtenet (Haut-Limousin) comme aumônier des Grandmontaines de ce lieu : on a de lui un bail du 4 mars de cette année, pour Bonneval, portant les moulins de l’endroit, trois petits prés et un modeste champ au prix de 40 livres, 4 poulets, 4 livres de beurre et 4 douzaines d’œufs (Seurre-Bousquet) ; enfin 1785, François LEBORLHE DES COMBES.

Un enlèvement de pierres fait l’année précédente à la chapelle et poursuivi par le prieur, indique assez l’état de ruine où elle était. Cette chapelle portait le vocable de Notre-Dame, uni, selon Nadaud, à celui de sainte Apollonie, dite ici sainte Apolline ; mais suivant une opinion probable qui ressort même du texte du Pouillé, sainte Apolline aurait constitué jadis un prieuré distinct, plus tard éteint dans l’autre et réunissant quelques moniales dans le XIIIe siècle. M. Bourneix, qui le dit fondu en 1221 dans celui de Bonneval, le placerait dans la paroisse de Darnets, d’après une tradition locale affirmant dans cette paroisse l’existence d’un prieuré. On montrerait même l’emplacement de ce couvent, « dans la forêt du Montusclat, sur une crête ou plutôt sur un plan incliné vers l’étang de la forêt, jadis boisé. » Comme Nadaud déclare connu dès 1070 un Montusclat qu’il distingue de Bonneval (fondé, dit-il, vers 1150 sous le quatrième prieur de Grandmont) nous pouvons croire que ce couvent fut des deux le plus ancien, porteur ensuite à Bonneval et de son patronage, qui s’associa à celui de Notre-Dame, et de son nom de localité, qui servit à distinguer le Bonneval de Soudeilles de celui de Sussac.

Au Maspied, paroisse de Soudeilles, on retrouve encore quelques unes des statues de pierre qui décoraient autrefois la chapelle de Bonneval. Le grand bac rond de la fontaine servant de lavoir et taillé dans un énorme bloc de granit, se voit aujourd’hui dans la cour du château de Davignac. » Et c’est tout ce qui reste de l’ancienne celle grandmontaine, complètement détruite depuis 1793.

 

On a parlé dès les débuts de l’article d’un château à Soudeilles. Le plus ancien représentant probable des seigneurs de ce château disparut fut en 1174 un Gérald de Sodellas, témoin au cartulaire d’Uzerche d’un don fait à cette abbaye par deux frères Malemort. Suivirent plus tard, mais à distance respectueuse, Hugues de Soudeilles en 1322, et en 1406, Louis de Soudeilles, seigneur de l’endroit, témoin à Ventadour. Au XVIe siècle, la famille paraît s’étendre du côté de Tulle (Rageaud) et s’étend sûrement du côté d’Ussel (Lespinasse). En épousant, sous la date de 1520, Renée Palmarde, dame héritière du Lieuteret, paroisse de Darnets, Louis de Soudeilles acquiert cette autre terre qui devient pour son neveu (car il n’eut point d’enfants), disons même pour la postérité de son neveu, le lieu de résidence favori.

Dès lors le château de Soudeilles s’en va en décroissant. Ses hôtes partis, les curés l’habitent :  point de presbytère ; en 1632 toutefois, Annet de Soudeilles, le dévoué de Montmorency, rentrant du Midi dans la tristesse et dans le deuil, vient y loger avec sa femme Antoinette de Luzausson des Farges et sa fille Louise-Henriette de Soudeilles, qui doit être un jour, à la Visitation de Moulins, l’amie et la correspondante de la Bienheureuse Marguerite-Marie, de Paray-Monial. Mais vers 1640 le château et l’église deviennent la proie des flammes. On répare celle-ci, on laisse aller celui-là. Annet de Soudeilles revient au Lieuteret et Jacques Remédie, curé, fait agrandir du côté d’ouest, aux dépens des ruines du château, le presbytère qu’a édifié du côté de l’est en 1637 Jean du Theil, son prédécesseur. Le manoir désormais perdu de Soudeilles, la terre, si l’on veut, n’en devient pas moins en 1690 le chef-lieu d’un marquisat dont Louis XIV honore la famille. Cette famille, alors, arrive à l’apogée de sa fortune : trois générations de marquis portent le titre de lieutenants-généraux du roi dans la province du Limousin. On voit dans la maison un grand bailli de Malte, un abbé, une abbesse, un colonel d’armée. Les fiefs n’y manquent pas davantage : Soudeilles, le Lieuteret, la Gane, Feyssac, Saint-Yrieix, le Bazaneix, Rousillon et d’autres terres, auxquelles s’ajoute, par l’alliance de Geneviève de Champeron, la baronnie de Druys en Nivernais. Et néanmoins tout croule avant même les coups de la Révolution : les affaires d’abord, puis la famille, qui s’éteint. Avant la mort du dernier des marquis, Soudeilles est mis en vente et Jean-Jacques-Léon de Valon l’achète en 1784.

A-t-on remarqué plus haut dans la mention d’un acte relatif à Bonneval, le nom d’un Hugues Judicis, dit seigneur de Soudeilles (entendez coseigneur) dès l’an 1206 ? Déjà par les articles DAVIGNAC, MAUSSAC, PÉRET, COMBRESSOL, on avait pu voir dans la région et à date reculée cette famille Juge ou de Jugie dont il était un membre : serait-elle partie de Soudeilles et serait-ce d’un de ses membres postérieurs que le tombeau de la chapelle de Notre-Dame recouvrirait le corps ?

Comme cette chapelle appartenait au château, on a prononcé pour le tombeau lui-même le nom des Aubusson, mais il est du XIVe siècle naissant, si même il n’est pas du XIIIe, et la seule d’Aubusson connue à Soudeilles est Madeleine, veuve en 1591 de Gabriel de Soudeilles, mort au service du roi.

En avril 1456 un nommé Perry ou Pierre de la Vergne avait fondé dans cette même chapelle une vicairie, dite pour cela de la Vergne ou des Vergnes et du patronage de Notre-Dame, dont la nomination avait passé au château ; - par le fait probablement que cette vicairie s’était fondue avec d’autres fondées douze ans auparavant par Lucot de Soudeilles. On me demande si Perry de la Vergne ne serait pas le gisant du tombeau. Impossible encore ; l’écart du style et de la date ne permettent pas de s’arrêter à l’hypothèse. Pour une personne antérieure de sa famille, on pourrait l’accepter.

 

Donnons donc la liste des villages et fermons cet article. Ce sont : La Besse, Bethléem, Bonneval, la Boutique, moulin qui tire son nom de ce qu’il fut une succursale de la manufacture d’armes de Tulle, le Cayre, le Chammas, fief noble de Perry de la Vergne qui le donna pour sa vicairie ; Chaudesmaisons, la Chenal, où le prieuré de Vedrennes avait des droits comme en d’autres villages, Chez-Mathou, la Croix-saint-Léger, dont le nom se rattache à celui du patron de Meymac et peut-être au souvenir du passage de ses reliques dans la forêt de Ventadour ; la Croix-saint-Tobie, la Forest, les Ganes, la Gare ou Halte qui postule le titre de station ; la Gautherie, dîmée avec deux autres villages par les dames de Bonnesaigne ; l’Hôpital, la Jarousse, Laval, le Maspied, la Massonnie, le Monjanel, ancien fief ; les Moulins de Bonneval et de Boule, Robbert, la Sanguinie et son Pont où se trouve un garde-barrière ; Soudeillettes, gros village en face du bourg, de l’autre côté du vallon et de la ligne, où dîmait principalement le prieur de Bonneval ; et enfin le Theil, domaine des Soudeilles, qui, avec la Sanguinie et le bourg, constituait la terre de leur nom.

 

P.-S : à signaler encore dans l’église un fer à hosties de la fin du XIIIe siècle (Bull. de Tulle, XX, 202-6).

 

[1] «Ces figurines, dit l’abbé Texier, sont délicieuses d’attitude et d’expression. »

[2] ) Ernest Rupin, Mémoires à la Sorbonne en 1882, reproduit au Bulletin de Brive avec eau-forte et chromo ; tome IV, p. 435 et suiv.